S’expatrier aux États-Unis est une aventure qui regroupe opportunités et défis. Pour des professionnels, qui travaille dans l’importation de produits français à New York, le contexte politique influence directement leur vie. Avec le retour de Donald Trump, les tensions commerciales pourraient impacter les expatriés européens, et particulièrement ceux dont l’activité repose sur des échanges internationaux. Face à ces incertitudes, beaucoup s’interrogent sur leur avenir aux États-Unis et sur les conséquences de cette présidence sur leur intégration et leur carrière.
© French District
Être français et vendre du vin aux Etats-Unis en 2025
Expatrié bordelais, Pierre Lefort travaille dans une entreprise d’importation de vins français à New York. Passionné par le vin et la culture américaine, il navigue dans un marché prospère mais menacé par les tensions commerciales. La politique de Donald Trump pourrait bouleverser toute l’industrie du vin.
Par Lucile Moyon
Pierre partage l’art de la dégustation autour d’un verre de vin blanc ©Lucile Moyon
Pierre Lefort, a l’air expert, tourne son verre de vin, cherchant à en capter les arômes du cépage. Sa première gorgée est lente, il savoure chaque nuance. Originaire de Bordeaux, il vit aux États-Unis depuis dix ans. Passionné de vin et fasciné par la culture américaine depuis toujours, Pierre a allié ses deux attraits en devenant directeur régional pour une entreprise d’importation de vins à New York. Cette entreprise, Champagne et Château USA, est une filiale américaine d’un groupe basé en France. Leurs vins proviennent principalement de Champagne et de Bordeaux. Comme le représente Pierre Lefort, alias « Peter The Strong » dans son pays d’adoption, l’entreprise mise sur une proximité commerciale gouvernée par l’expertise, la passion et la culture locale. « J’ai fait le choix de faire partager cet art de vivre », explique le spécialiste.
Les États-Unis sont le principal marché d’exportation pour les vins français. Ils représentent aussi la plus grande consommation de vin dans le monde. On note un chiffre d’affaires de 56 milliards de dollars américains en 2023. À titre de comparaison, le marché du vin français pèse 23 milliards de dollars. « Les opportunités professionnelles ne manquent donc pas dans ce secteur », remarque Pierre. Pour expliquer son propos, le directeur raconte que la culture du vin est très récente dans le pays.
Entre la France et les États-Unis
En proportion, la consommation de vin aux Etats-Unis est nettement plus faible qu'en France. Dans l’hexagone, la culture du vin est transmise de génération en génération depuis longtemps. « Le marché est déjà convaincu », analyse Pierre Lefort, ce qui n’est pas le cas aux États-Unis. Le bordelais parle d’un « potentiel de croissance ». Il recense également une autre différence : la provenance. Le marché français regorge de vins locaux. Aux États-Unis, on retrouve des vins importés du monde entier. Selon le directeur régional, « la concurrence y est donc forte ».
Au-delà de l’emploi, le quarantenaire s’est installé aux États-Unis par amour. Il y a rencontré sa femme, américaine, au cours d’un voyage. Ensemble, ils envisagent peut-être de revenir vivre en France un jour. Déjà, pendant la pandémie de Covid, le couple était revenu vivre à Bordeaux pour deux ans. « Ma femme et moi avons fait le choix de deux pays, le sien et le mien », raconte-t-il. Même si le projet n’est pas vraiment à l’ordre du jour, après tant d’années d’expatriation il assure que les États-Unis feront toujours partie de sa vie. Malgré son goût pour le pays et sa culture, le contexte récent pourrait bien accélérer le projet. Il confie : « Le résultat des dernières élections américaines n'a rien changé à nos plans mais il est certain qu'il ne nous encourage pas à rester plus longtemps. »â€‹
Le rapport au vin n’est pas le même aux États-Unis qu’en France et il pourrait encore plus s’accentuer ©creative common ©Mathilde Potel
Depuis son élection, le président des États-Unis, Donald Trump, fait pression sur le commerce international, le cœur de l’entreprise dans laquelle Pierre Lefort travaille. Les pays frontaliers, le Mexique et le Canada, sont les premiers à avoir été touchés par une taxe douanière mais très vite, les menaces se sont étendues à l’Union Européenne. La riposte de l’UE : taxer jusqu'à 26 milliards d'euros les produits américains à partir du mois d'avril. Parmi les produits visés figure notamment le bourbon américain. Cette contre-attaque n’a pas plu à Donald Trump. Il a même déclaré : « Si ces droits de douane ne sont pas supprimés immédiatement, les États-Unis appliqueront bientôt une taxe de 200 % sur tous les vins, champagnes et produits alcoolisés en provenance de France et d'autres pays de l'Union européenne. » Une annonce démesurée qui risque de chambouler toute une économie si elle se concrétise.